dimanche, février 14, 2010

Conflits et réconciliation

Que se passe-t-il dans le monde religieux d’aujourd’hui? Nombreux sont ceux qui, de plus en plus, insistent sur la conversion personnelle et communautaire! Aussi voudrais-je, dès l’aube du carême de 2010, m’interroger sur l’impact réel de ce message de Jésus dans nos vies: «Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle» (Mc 1, 15). La prédication inaugurale du ministère du Christ serait-elle mal comprise ou sans effet dans la plupart de nos communautés religieuses?

Tout porterait à croire que les carêmes, les Chapitres généraux, l’animation au sein de nos communautés et les Colloques sur la conversion n'ont plus d'impact dans le vécu des personnes consacrées qui ne semblent pas avoir une solide expérience personnelle de Dieu. La pratique religieuse serait-elle en déclin constant?

Les Leaders religieux africains ne cessent de nous interpeller. Dans leur mot de circonstance à l’occasion de la clôture de la 4e Semaine de la Vie consacrée à Kinshasa, pour ne citer que cet exemple, le président de l’ASUMA (assemblée des supérieurs majeurs) et la présidente de l’USUMA (union des supérieures majeures) nous annoncent la convocation d’un colloque sur les conflits dans nos communautés et la mise en circulation d’une flamme de la réconciliation (image ci-dessus).

Appelés à être «artisans de paix» (Mt 5, 9) comme tant d’autres personnes de bonne volonté, les personnes consacrées ne peuvent prétendre semer la paix dans le monde et autour d’elles, sans commencer par résoudre leurs conflits internes. Peut-être un colloque, dans le sillage du récent synode pour l'Afrique, les aiderait-il à vivre une réconciliation plus authentique. (ayaas)

8 commentaires:

Lola a dit…

Ouf! Quel sujet encore Ayaas nous apporte en ce début de Carême! Oui, c’est un moment privilégié pour nous évaluer objectivement. Je suis religieuse et le sujet ne me semble pas du tout étrange. La vie religieuse est en crise et elle n’est ni indemne ni préservée dans une société qui tend à perdre les valeurs chrétiennes voire ancestrales de la fraternité. Conflits et réconciliation sont deux termes nécessitant une attention particulière dans les communautés religieuses d’aujourd’hui car conflits, il y en a et c’est sans gêne, même quand nous feignons de les manifester ouvertement. Avons-nous réellement compris le premier motif de notre « être religieux » ? Le colloque, comme le dit Ayaas, pourrait être l’un des moyens de nous ramener à une prise de conscience sur le bien fondé de notre vocation. La mise à jour de son site (www.ayaas.net) que je venais de lire me laisse aussi croire que toutes les opportunités usées ne semblent pas avoir effet sur le vécu des religieux. En effet, la conversion, pour toute personne, étant un processus continuel pour la vie, il nous est donc recommandé de fournir des efforts. Je n’ignore pas que parfois face à certaines blessures du passé et aux difficultés du présent, la tâche peut sembler dépasser les forces humaines. Mais «la puissance de Dieu se révèle dans la faiblesse humaine», dit saint Paul (2Cor12, 9). Puisse ce temps propice nous aider davantage dans ce combat pour un vécu communautaire authentique. J’aime utiliser le pronom «nous» car nous sommes tous concernés, supérieurs tout comme membres. On est ensemble en communauté, non par choix mutuel, mais par choix du Seigneur.

Damien a dit…

Cet article me confirme dans la conviction qu’il y a beaucoup de lacunes dans la formation à la vie religieuse tant chez les femmes que chez les hommes. Prend-on le temps de connaître les candidats et de les aider à se connaître profondément? Ou se contente-t-on de bonnes volontés pour augmenter les effectifs? J’ai l’impression que les religieux oublient souvent un aspect important concernant les vocations à la vie consacrée ou sacerdotale. La vocation est bien sûr une affaire spirituelle puisque c’est Dieu qui appelle individuellement à son service dans l’Eglise universelle. Mais cette dimension spirituelle se réalise dans un être humain. Par conséquent, la nature humaine doit être scrutée avant de lui faire confiance. Qui oublie l’apport des sciences modernes? La psychologie notamment peut aider quelqu’un à faire la vérité en lui-même. Elle peut faire grandir l’être humain en gérant convenablement son passé, ses blessures, ses conflits, etc. Je voudrais dire que la prière seule ne suffit pas pour avoir de bons religieux, de bonnes religieuses. La présence des conflits dans les communautés signifient que les individus ne se connaissent pas ou ne sont pas connus. Il faut exiger des tests psychologiques et l’accompagnement adéquat à toutes les étapes de la formation religieuse. Cela aiderait à éviter les conflits ou les divisions dans les communautés.

Doris a dit…

La réunionite, tel est le mal qui ronge la vie consacrée. J’en ai horreur. Même pendant la crise financière mondiale, ceux et celles qui ont émis le vœu de pauvreté se permettent de se déplacer, de voyager, d’aller se réunir ou de participer aux colloques dans l’espoir de résoudre les problèmes de leurs communautés respectives! Mais combien en font des évaluations sérieuses? La solution aux conflits qui déchirent une communauté religieuse dépend principalement de ses membres. Une vraie prise de conscience ne viendra pas d’un colloque ou d’une séance académique; elle naîtra plutôt d’un processus de conversion engageant concrètement chacun des membres de la communauté concernée. Il n’est une surprise pour personne aujourd’hui, beaucoup de haines sont attisées par ceux et celles qui ont l’art de brandir leurs titres académiques. Qu’ils aient aussi le courage et l’humilité d’évaluer régulièrement le rendement de leur ministère. C’est une façon de résoudre les conflits.

Lola a dit…

Je ne crois pas que les lacunes dans les maisons de formation soient nécessairement à la base de la crise qui sévit la vie consacrée. Ne contournons pas le nœud du problème. Ne sommes-nous pas parfois, nous aînés, scandales pour les jeunes dans nos différentes communautés ? Quel modèle ont-ils à suivre ? Comme je l’ai dit, personne n’est épargné. Ne cherchons pas à accuser qui que ce soit, les religieux savent bien qu’ils ont un rôle à jouer dans le processus de réconciliation dans leur vécu tant personnel que communautaire.
Oui, je dirai que les tests psychologiques et l’accompagnement à différentes étapes de la formation sont nécessaires, spécialement en vue de purifier les motivations des jeunes qui nous approchent, voire les équiper pour affronter les difficultés qu’ils rencontreraient dans la vie à laquelle ils s’engagent. Toutefois, je voudrais épouser l’avis de Doris qui stipule qu’une vraie prise de conscience naîtra d’un processus de conversion engageant concrètement et personnellement chacun des membres de la communauté.

Florine a dit…

Sans exagérer, dans une communauté religieuse frappée au quotidien par la violence verbale, une vie calme et harmonieuse paraît difficilement envisageable. Malheureusement, beaucoup de religieux vivent sans vraie paix intérieure dans leurs propres communautés. Il ne faut pas avoir honte de se le dire. Le conflit vécu récemment dans notre petite famille religieuse était dû à la discrimination des minorités et l’augmentation des inégalités parmi les membres. Les jeunes en formation n’en étaient pour rien. Pour s’en sortir, il n’a pas été nécessaire, comme le suggère Damien, de nous soumettre aux tests de psychologie qui, à mon avis, amplifieraient la discrimination: les unes seraient considérées comme des malades et d’autres des personnes en bonne santé psychique ou mentale… Nous avons vécu une retraite spirituelle sans prédicateur et sans thème. A tour de rôle chacune de nous parlait de son expérience de foi chrétienne et de ses relations interpersonnelles en communauté. Nous en étions très édifiées et renouvelées dans notre consécration. Le Seigneur nous a fait prendre conscience de notre mission commune: nous aimer les unes les autres. Je pense que l’amour est le seul moyen efficace de vivre en paix. Il permet de dénicher les différentes manifestations de la violence et de développer des mesures qui permettent de déceler le plus tôt possible les prémisses d’un conflit, son évitement ou sa résolution. J’en suis convaincue.

Placide a dit…

Les conflits ne manqueront jamais dans nos communautés, ils n’ont pas manqué non plus dans le petit groupe formé par Jésus lui-même, la communauté de ses apôtres. Je ne dis pas que c’était une communauté religieuse comme celle dont nous parlons mais c’était la naissance d’une nouvelle forme de vie dédiée à la mission évangélisatrice. L’avantage avec Jésus c’est qu’il était un grand leader charismatique, capable d’animer, de rassembler, de prier, de compatir, de soulager, de réprimander, d’aimer. Nos leaders actuels manifestent plus leurs limites que des qualités. «On est humain». La bonne gestion des conflits, peu importe leur nature, dépend surtout de l’habilite de ceux et celles qui exercent les différents services de l’autorité dans nos communautés. Le discernement en vue des nominations devrait éviter la complaisance. On a déjà assisté à des querelles qui éclatent en pleine réunion communautaire, voire Chapitre général, assemblée dans laquelle l’Esprit Saint serait plus présent. Cela ne me scandalise pas, mais qui peut ramener l’ordre? Nous avons plutôt besoin de leaders affables, compétents.

Roger Wawa a dit…

Merci beaucoup pour cette initiative. Les différentes réactions nous aideront à prélever la température en vue de mieux préparer le prochain colloque sur la réconciliation dans la Vie consacrée. Merci d'avance aux internautes qui prendront la parole dans le seul souci d'aider les personnes consacrées à correspondre effectivement à leur vocation et à répondre efficacement à leur mission dans le domaine de la réconciliation, de la justice et de la paix.

Myriam a dit…

Le témoignage de Florine m’édifie et m’inspire. Pour plus d’enrichissement, il est souhaitable que les organisateurs du prochain colloque réserve large espace aux témoignages des communautés en conflit ou qui sont dans le processus de réconciliation. Je sais qu’il n’est pas aisé de parler du mal de sa propre famille, je n’oserais pas défier mes consœurs, mais il y en a qui ont le courage de le faire afin d’aider tant d’autres personnes à s’en sortir. Merci beaucoup Florine pour ton partage.