lundi, juin 02, 2008

Hospitalité africaine


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Ceux et celles qui prennent souvent l’avion savent qu’il est parfois nécessaire de prier en ces termes: «Seigneur, donne-moi un bon voisin ou une bonne voisine pour un voyage agréable.» Cela vaut la peine surtout quand le voyage est long. Mon voisin européen du dernier vol, Tananarive (Madagascar) – Paris Charles de Gaulle, m’a engagé dans un débat inattendu. Tout est parti d’une question insinuante: «Pourquoi les Africains prétendent-ils que l’hospitalité est une valeur africaine?» Je lui ai répondu que l’hospitalité est vraiment africaine parce que par définition, l’Africain est celui qui donne, reçoit et accueille. Le simple fait de saluer, même des personnes inconnues, en est une preuve palpable. Puis il a enchéri: «Peuvent-ils encore s’approprier de l’hospitalité après les tristes événements qui ont récemment secoué ces pays: Rwanda, Burundi, RDCongo, Côte d’Ivoire, Tchad, Zimbabwe, Kenya, Afrique du sud?»

Selon mon inconnu voisin, l’hospitalité étant une valeur universelle, les Africains sont dans l’erreur en la considérant comme une valeur typiquement africaine! En vain je me suis époumoné de le convaincre en l’invitant à plus écouter les témoignages des touristes plutôt qu’à suivre des médias qui n’offrent que le sensationnel ou le mal du continent africain. Finalement il était content quand je lui ai partiellement donné raison. Vue sous l’angle politicien, l’hospitalité n’existe plus dans plusieurs pays africains. Il suffit de relire attentivement les tristes événements auxquels nous faisons allusion pour s’en convaincre. Par ailleurs, le mauvais traitement infligé à certains réfugiés, victimes des guerres d'indépendances ou de la lutte pour la démocratie, montre combien les Africains ont perdu le sens de l’hospitalité traditionnelle. L’accueil paisible de l’étranger tend à disparaître.

Et pourquoi des conflits internes, entre les peuples d’une même nation? A observer de plus près ce qui s’est passé ou se passe encore dans des pays cités ci-haut, je me dis que ce sont des intérêts politiciens qui détruisent l’hospitalité africaine. Il n’est pas facile de comprendre ce pourquoi les ethnies s’opposent aujourd’hui alors que, traditionnellement, elles savaient nouer entre elles des liens forts par le mariage et par tant d’autres coutumes d’alliance! Face à ces conflits fratricides, il serait vraiment naïf de prôner la miséricorde entre les peuples divisés. Ne faudrait-il pas s’attaquer d’abord au mal profond qu’est le démon du pouvoir qui ronge la société africaine? (ayaas)

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci de nous plonger dans un thème qui fait la fierté africaine, même si l’Africain tend à perdre cet héritage de ses ancêtres. J’apprécie ton réalisme lorsque tu donnes partiellement raison à ton inconnu voisin. Je lui emboîterai d’ailleurs le pas parce que les récents événements de triste mémoire auxquels il fait allusion ont non seulement terni l’image de l’Afrique, mais ont aussi créé une sorte de malaise chez tout Africain. Le questionnement à la fin de ce texte du débat servirait d’interrogatoire et pour nous Africains et pour tous ceux qui ont eu à visiter ce continent et en ont fait une expérience positive. Néanmoins, comme l’auteur l’a stipulé, il faudrait ne pas se baser sur les médias pour disqualifier l’Afrique même si ce qui, jadis faisait la fierté, constituait les valeurs du continent, est remplacé par des dérapages.
Il est vrai qu’il faudra s’attaquer au démon du pouvoir qui ronge l’Afrique. Ma grande question reste celle de savoir si l’Afrique a été bien préparée à la démocratisation. A mon avis, c’est là où réside le nœud du problème.
En tant qu’Africaine, j’ai également ma pierre à apporter pour la sauvegarde de notre héritage commun. J’aime l’une des images dans le ‘Slide Show’ servant d’illustration, celle des enfants saluant les Blancs. Ceci est un signe tangible que l’Africain accueille et continuera à faire bon accueil à tous sans distinction de couleur ou de race. Ma joie, c’est aussi d’entendre dire, malgré ces tristes événements, deux amies dont l’une européenne et l’autre indienne revenant d’un court séjour au Sénégal: «Nous avons expérimenté l’hospitalité africaine dans la terre de Teranga». De plus, la vidéo réalisée par le couple Sonia et Alexandre Poussin de son périple en terre africaine procure un témoignage vivant. «Partis 3 ans à pied du Cap de Bonne Espérance en Afrique du Sud au lac de Tibériade en Israël», ils parlent de la ‘formidable hospitalité africaine’. L’Afrique est et demeure une terre hospitalière.

Anonyme a dit…

J’admire la cohérence avec laquelle Ayaas nous rapproche progressivement de notre sol africain. La diversité de thèmes proposés m’aide à la fois à reconnaître mes limites quant à la connaissance normale de la culture africaine et à réfléchir sur le sens de ma propre identité culturelle. Je me demande pourquoi dans le milieu occidental les Africains hésitent à se saluer entre eux! Ont-ils perdu le sens de l’hospitalité culturelle qui les caractérise? Je partage l’avis pertinent de Lola qui vient de me précéder. Mais une de ses phrases me fait tiquer. «Ma grande question reste celle de savoir si l’Afrique a été bien préparée à la démocratisation», se demande-t-elle. N’est-ce pas ici la tendance à croire qu’après les indépendances qui ont été considérées comme un don des anciennes puissances coloniales, l’Afrique devait continuer à recevoir tout de l’Occident? Je pense que le vrai démon du pouvoir dont souffre l’Afrique, c’est le manque grave d’acteurs politiques convaincus et convaincants. Les nôtres sont trop liés à leurs ethnies au point d’oublier l’intérêt suprême de leur nation.

Anonyme a dit…

Non, la miséricorde ne marche pas! Il faut proposer d’autres solutions plus durables. En bon Enseignant, j’ai tenté d’orienter le cœur de mes étudiants chrétiens vers la réconciliation entre eux. Ils venaient tous d’une région où il y a eu beaucoup de meurtres arbitraires. A ma grande surprise, ils m’ont dit: «Il est plus facile de parler miséricorde que de porter en soi, et cela pour des années, la perte cruelle d’un être cher. Nous préférons qu’on nous dise le mal que nous avons fait pour mériter un tel sort que de nous pousser à faire semblant d’enterrer la hache de la haine.» Allez y comprendre! J’ai l’impression qu’ils continuent à bouillonner de colère, une passion qui n’attend que le moment propice pour exploser. Qui pourra les aider à s’en sortir? Ne comptons pas sur la plupart de nos parvenus politiciens. Ils n‘en feront que mauvais usage dans le seul but de se maintenir au pouvoir. L’hospitalité africaine ne vaut rien face à l’idéologie qui consiste à diviser pour mieux régner! C’est peut-être le démon du pouvoir dont parle Ayaas, ce que la jeunesse d’aujourd’hui doit combattre de toutes ses forces pour un avenir meilleur.

Anonyme a dit…

En réponse à Arthur, je dirai simplement que Lola n’exprime que la réalité de notre contexte sociopolitique: la dépendance de l’Occident. Nos gouvernants sont contents de s’exhiber à la télé même lorsqu’il s’agit de recevoir un don de trois ordinateurs ou cinq sacs de riz venant d’Occident. C’est un comble! En échange d’une sécurité personnelle éphémère, ils hypothèquent l’avenir, le développement de leurs peuples. On ne peut que continuer à les téléguider par des modèles de démocratisation qui s’éloignent de la sensibilité africaine.

Anonyme a dit…

Arthur, merci de ton observation pertinente. Je conviens avec toi que l’Afrique manque d’acteurs soucieux de l’intérêt de la nation voire du peuple qui, d’ailleurs, a voté pour eux. Faisant allusion à la démocratie et loin de minimiser les efforts déployés par les Africains pour être libérés des puissances coloniales, ma question est plutôt celle de savoir si nous Africains, nos leaders compris, avons réellement saisi le vrai sens de la démocratisation. La démocratie n’est jusqu’à nos jours qu’un concept vide car il n’a contribué et ne contribue ni à l’unité des peuples, ni à un engagement collectif. Ceci se reflète actuellement dans nos différents pays et même dans nos familles naturelles. On dirait que chacun vit sa vie à part sans tenir compte de l’autre. Honnêtement, il me serait irréel voire illusoire de nier que le régime démocratique précipité en Afrique soit à la base de beaucoup de maux de notre temps. Je suis tout de même consciente que nous sommes tous dans cette mêlée. Puissions-nous, chacun dans son milieu, apporter sa pierre à la construction de notre Afrique et cela à tous les niveaux. N’attendons pas tout de nos leaders. Engageons-nous, tant soient peu nos moyens, dans ce combat de libération au lieu de sombrer davantage dans le gouffre et de perdre notre identité africaine.

Anonyme a dit…

Je suis d’accord avec ce que dit ayaas: «…Vue sous l’angle politicien, l’hospitalité n’existe plus dans plusieurs pays africains», et ce qu’affirme Lola. Mais nous ne devons pas généraliser en disant que l’hospitalité n’existe pas en Afrique. Je dirai plutôt qu’elle a perdu sa place première à cause des intérêts politiques. Elle existe encore pourtant et s’exprime par des gestes beaucoup plus simples. Par exemple, un homme endeuillé n’enterre jamais seul son cadavre; dans sa douleur, il accueille ceux qui viennent le consoler. Une amie du Congo Brazzaville avec qui je discutais ce sujet hier me disait: «Victime de la guerre civile, j’ai été profondément touchée par l’hospitalité des pays voisins. Ma famille et tant d’autres gens, nous avons été accueillis par des familles inconnues. Avec les voisins sinistrés nous avons partagé de quoi mettre sous la dent». J’ai été touchée aussi par le commentaire d’une Sud-africaine à la télé: «Nous devons être hospitaliers envers nos frères et sœurs africains parce qu’ils nous ont bien accueillis chez eux lorsque notre pays traversait son moment le plus difficile que personne n’ignore». Je pourrais évoquer aussi plusieurs autres exemples où je me suis sentie rejetée par mes frères africains sans pour autant nier l’existence de l’hospitalité africaine.
Pensez-vous que les Africains ne sont plus hospitaliers à cause de la démocratie mal comprise? Non, c’est plutôt à cause de notre mauvaise foi et l’individualisme que nous sommes en train de cultiver chacun dans son milieu de vie. Les groupes de prières en sont pour beaucoup. Ils ne veulent pas que les gens reçoivent quelque chose de leurs voisins qui pourraient leur retirer le souffle de vie! On aura tout vu.

Anonyme a dit…

Les injustices causées en Afrique par d’autres Africains me font croire que l’hospitalité dont nous parlons n’est qu’un refrain nostalgique. ‘Comment parler de toutes ces horreurs qui nous encerclent? Et de l'impunité qui règne? Et de toute cette jeunesse instrument entre les mains de causes inavouables?’ L'environnement se dégrade de jour en jour et les humains continuent à vivre dans des conditions misérables, parfois dans les mêmes quartiers que les riches. Peut-être quelqu’un m’expliquerait-il à quoi servent tous les projets sur le développement et la lutte contre la pauvreté. L’hospitalité authentique devrait favoriser le développement pour tous. Ayaas, je n’hésite pas à donner raison à ton voisin. Les exemples mentionnés par Carola se voient partout ailleurs. Ils ne prouvent pas que l’hospitalité soit une valeur africaine.

Anonyme a dit…

A mon humble avis, l’hospitalité africaine est en crise. En effet, les insécurités qui prévalent en Afrique favorisent la violence en raison de la crise de l’hospitalité dans le fonctionnement des liens sociaux. Cette crise remet en cause les conditions intérieures et extérieures des solidarités dans les sociétés d’Afrique où la pauvreté a contribué à l’aggravation des tensions sociales et à la déstabilisation des collectivités où grâce à l’hospitalité africaine, la coexistence a souvent été pacifique.

Anonyme a dit…

"L'hospitalité africaine" est certes bien réelle, voire UNIQUE. Je l'ai expérimentée maintes fois en diverses situations. UNE ECOLE DE VIE. Dans un premier mouvement, cependant, j'aimerais la situer dans son terreau d'origine, la tradition judéo-chrétienne ou BIBLE. Dans cet humus fécond, qu'est la Parole de Dieu, l'hospitalité peut déployer toutes ses richesses et ainsi, chaque culture, à chaque époque, l'habillera de son génie propre, et de ses couleurs.
Ainsi l'hospitalité africaine, puise ses caractéristiques dans cette tradition; n'est-elle pas proche du type d'hospitalité par excellence que nous a laissé Abraham: accueil empressé, religieux (cf. Genèse 18,1-8 Au chêne de Mambré); proche aussi de ce beau visage de la veuve de Sarepta, l'étrangère, attentive aux besoins du prophète, au risque de perdre sa vie (1 Rois 17,7-16). Oui, toute l'ECRITURE ne cesse de nous dépeindre, dans le concret de l'existence, la BEAUTE, la GRANDEUR de l'hospitalité.
L'Africain, aujourd'hui encore, par son hospitalité et toutes ses richesses peut sauver une large partie de l'humanité, ensevelie dans l'égoïsme et l'indifférence. La tradition monastique a vécu et vit dans ce sillage, où l'HOTE est accueilli comme "CHRIST". L'HOSPITALITE, œuvre de miséricorde, mystère de foi et d'amour, conduit ses filles et ses fils aux portes du ROYAUME où le MAÎTRE, lui-même, les servira. Reste évident, que la PORTE est étroite et resserré le CHEMIN qui nous y conduit.

Anonyme a dit…

L’hospitalité est une valeur inhérente à l’être africain. De par leur nature, les Africains la vivent et l’expriment spontanément et intensément; l’être-ensemble fait partie de leur nature profonde. Cela ne signifie pas que l’hospitalité est une réalité exclusivement africaine. Je ne la mettrais pas en doute à cause de quelques failles liées aux influences négatives de nos sociétés et à la pauvreté matérielle du moment. En affirmant que l’hospitalité africaine est «réelle, voire unique», Claude en sait certainement quelque chose. Allusion faite sans doute à la spécificité africaine. L’Africain authentique déteste l’égoïsme et l’indifférence. Malheureusement, certaines circonstances défigurent cette image en affichant des pratiques contraires aux aspirations les plus profondes des Africains.