mercredi, février 27, 2008

Pourquoi se perdent-ils?


Depuis quelques années, je m’amuse à observer attentivement l’attitude de bon nombre de jeunes religieux africains, filles et garçons, qui poursuivent leur processus de formation première en milieu occidental. Je me sens en droit de poser cette question fondamentale: pourquoi se perdent-ils? Ou mieux pourquoi manquent-ils de persévérance dans leur cheminement vocationnel? D’aucuns me diront que le même phénomène se voit en Afrique surtout ces derniers temps. Je n’en disconviens pas, mais je pense que nous devons avoir le courage prophétique de cerner le problème au niveau des motivations individuelles.

Parmi ceux et celles que j’ai pu rencontrer, certains m’ont dit qu’ils se sentent plus libres qu’en Afrique où ils sont souvent traités comme des gosses malgré leur âge adulte! Aussi se permettent-ils de tisser toutes sortes de relations qui, en réalité, les exposent aux diverses sollicitations du monde. Et pourtant les filles disent qu’elles sont traitées presque comme des esclaves dans leurs propres communautés. Elles n’ont ni la liberté de sortir ni de recevoir des gens! Tous les mouvements sont filtrés systématiquement, ont avoué quelques-unes d’entre elles. L’aisance et la facilité seraient-elles à l’origine de la sécheresse vocationnelle? Plus que jamais l’Afrique a besoin de former à la liberté intérieure. Je pense que les jeunes dont nous parlons ne sont pas responsables de la différence mais de ce qu’ils font de la différence. (ayaas)

13 commentaires:

Anonyme a dit…

A dire vrai, le fait n’est pas nouveau, il est peut-être accentué maintenant avec la mondialisation. La recherche du matériel en est pour beaucoup sans oublier le goût de l’aventure. Il y a trop d’aventureux actuellement dans l’église. Ceux et celles qui les envoient se former en Occident doivent revoir leurs critères de discernement. Parfois, ils laissent de bons éléments et se trompent gravement en choyant des personnes douteuses.

Anonyme a dit…

Je réagis à propos des filles. On doit bien faire la part des choses. Il y a des filles qui y vont par la voie normale, c’est-à-dire envoyées par leurs familles religieuses implantées en Afrique et en Occident. D’autres sont de la catégorie des vocations exportées, si je peux m’exprimer ainsi, c’est-à-dire les filles ramassées en Afrique pour constituer une certaine main d’œuvre dans des couvents qui tendent à s’éteindre en Europe ou en Amérique du nord. Je doute que celles de la première catégorie soient traitées comme des esclaves. Donc la raison de se perdre serait liée aux motivations de la vocation plutôt qu’au traitement infligé par la communauté.

Anonyme a dit…

Je ne partage pas l’avis de Francine parce que je connais plusieurs cas d’échec parmi celles qui sont allées en Europe par ce qu’elle appelle la voie normale. J’ai l’impression que Francine ignore la responsabilité de la communauté face au phénomène des abandons dans la vie consacrée? Je suis convaincue que beaucoup de communautés ne sont pas de vrais cadres d’épanouissement et de liberté. Elles sont plutôt de véritables carrefours d’épreuves. Qui ignore le préjugé négatif sur les vocations du sud! Je ne prétends pas être sûre de ma vocation, car tout dépend de la grâce divine, mais je ne supporterai jamais des injustices au sein de ma communauté.

Anonyme a dit…

Merci ayaas pour ce sujet intéressant. Merci aussi aux intervenants qui m’ont précédé. J’espère que ce débat évitera le niveau émotionnel pour nous conduire à une vraie prise de conscience. J’espère aussi que ma préoccupation y trouvera des réponses. Je constate qu’actuellement les jeunes en formation initiale ont tendance à relativiser même l’essentiel de leur consécration: les vœux. Sans enracinement solide dans la foi, il n’est pas surprenant qu’ils se perdent si vite surtout dans le contexte d’une société sécularisée. Je partage pleinement le souci de former vraiment à la liberté intérieure. C’est une dimension qui est souvent négligée.
Que Sonia m’excuse beaucoup. Je viens de jeter un coup d’œil rapide sur son commentaire. J’y retrouve exactement la tendance actuelle de la jeunesse. C’est plus facile de culpabiliser l’autre que de se regarder soi-même pour mesurer sa part de responsabilité. La communauté peut avoir des failles en ses différents membres, mais elle ne poussera jamais au laisser-aller. C’est mon avis.

Anonyme a dit…

Ayaas, il y a quelques années tu as écrit une brochure intitulée «Religieux africain de l’an 2000». Je l’ai lue plusieurs fois sur ton site Internet, et elle a guidé ma préparation aux vœux perpétuels. Ta présente préoccupation m’a poussée à relire plus attentivement la conclusion de ta brochure. Puis-je te poser cette petite question de clarification: Partant du commentaire de Fabien, quel lien mettrais-tu entre ta préoccupation actuelle et cet extrait de la brochure? «Certains formateurs Occidentaux, sans mauvaise foi de leur part, éloignent les religieux africains de la réalité de leur contexte socioculturel en leur donnant l’impression de vivre plus en Europe qu'en Afrique. (…)Le matériel peut corrompre. Il n'est un secret pour personne: beaucoup de jeunes en formation ont perdu leur vocation à cause de l'aisance matérielle.» Merci d’avance.

Anonyme a dit…

Je trouve le thème très intéressant et je pense que c’est une situation qui devrait être étudiée à fond. Il y a beaucoup de facteurs qui entrent en jeu. A mon avis, je citerai en premier lieu la situation de pauvreté dans laquelle vivent nos familles; beaucoup de familles mettent leur espoir sur leurs fils et filles qui entrent dans la vie religieuse. Beaucoup de jeunes se sentent donc obligés de faire quelque chose pour leurs familles car ils sont la plupart de temps comparés avec les "autres"; je vois ici un problème de mentalité. C'est très difficile à vivre parfois surtout quand on ne peut vraiment pas aider la famille qui ne fait qu'envoyer des cris de détresse au pauvre jeune qui vit "au pays de blancs"
Ensuite je citerai le contexte. La plupart de temps, le contexte ne permet pas que les jeunes puissent grandir dans leur vocation, surtout le contexte des pays développés où tout le monde court derrière la richesse et met Dieu au second rang. Tout cela a une très grande influence sur les jeunes qui viennent des pays pauvres. Il faudrait vraiment avoir une force et une conviction solide pour continuer dans sa vocation. La tentation est forte, je vous dis.
Le troisième facteur que je citerai et que je trouve aussi très important est la dimension humaine. C'est une erreur de penser que les jeunes qui entrent dans la vie religieuse cessent d'être les humains. Le monde qui évolue autour de nous est comme un ouragan; si on n’a pas les deux pieds solidement posés sur le sol, on risque d'être emporté.
Moi je pense plutôt que la vocation est un don et aussi très délicat. Avoir choisi d'entrer dans un couvent ne signifie pas que tout est subitement clair. La vie religieuse a besoin des hommes et des femmes convaincus, capables de se sacrifier pour le règne de Dieu, avec une relation très intime avec lui, et cela ne s'obtient qu’à travers la prière. La prière est l'arme la plus solide contre les tentations. Alors apprenons à nos jeunes qui veulent vraiment consacrer leur vie au Seigneur à vivre leur vocation dans une attitude de discernement et de prière, car le monde en a besoin. Sans Dieu nous ne pouvons rien faire.

ayaas a dit…

Ouf! Brigitte me ramène au cœur du débat! Merci de son itinéraire dans la brochure. Me devançant dans la pensée, Germaine vient de proposer trois facteurs pertinents qui seraient à l’origine des abandons dans la vie consacrée, à savoir la pauvreté matérielle, le contexte ou l’environnement et la faiblesse humaine. Fabien fait allusion à ce fameux facteur de pauvreté dans son commentaire, tandis que moi, dans la plaquette citée, je tente de proposer un remède en fustigeant les attitudes des religieux et religieuses face aux trois facteurs. Le remède d’alors, c’est le rêve d’une formation authentiquement négro-africaine en terres africaines. La seule différence à relever ici est que la préoccupation de ce débat concerne plutôt les religieux africains qui sont en formation initiale en milieu occidental.
Chose évidente, le phénomène des sociétés sécularisées constitue une vraie menace tant pour la foi en Dieu que pour les vocations. Par conséquent, les jeunes doivent gagner en maturité humaine et spirituelle, afin d’affronter courageusement cette réalité qui secoue déjà certains pays africains. L’internationalité est certes une riche expérience, mais on se tromperait gravement en pensant que les Africains, les Africaines se formeraient mieux loin de leur propre contexte socioculturel. Il faut des personnes bien motivées, solidement enracinées dans la foi, c’est-à-dire qui savent ce pourquoi elles sont entrées en religion et qui ne se laissent pas emporter par le vent. Les propos de Germaine méritent d’être creusés.

Anonyme a dit…

J'imagine que Pascal est un formateur, il parle à partir de son expérience. J’aimerais savoir ce qu’il pense du commentaire de Germaine qui souligne que le contexte des pays développés peut freiner l’épanouissement des vocations africaines. Moi j’ai parlé du même contexte en termes de communauté. Au lieu de culpabiliser toujours les jeunes en formation, les formateurs devraient eux aussi accepter qu’ils sont la cause de nos échecs. Parfois leur nomination ne tient pas compte de compétence. C’est souvent par complaisance. On en fait des formatrices tout simplement parce qu’elles sont des aînées dans la communauté. Au lieu d’apprendre à connaître leur tâche et à bien former, elles étalent leur complexe d’infériorité en devenant allergiques aux étudiantes. La bassesse des formateurs et des supérieurs de communautés, voilà ce que les jeunes ne supportent pas. Ils se trompent en croyant que les jeunes ne perçoivent pas leurs limites. Voilà une cause d’abandon. Voilà la responsabilité de la communauté.

Anonyme a dit…

Je respecte l’opinion de Sonia. Elle ne saurait formuler de telles affirmations sans en avoir une désagréable expérience personnelle. Je ne peux que regretter si réellement son contexte lui offre une image si sombre de la formation. Il serait impérieux alors de tout revoir pour améliorer la façon de faire, dans un bon élan de conversion surtout en ce temps de carême. Mais rassure-toi Sonia, les choses se font différemment ailleurs. Quant à la façon de voir de Germaine, j’apprécie son réalisme. C’est vrai ce qu’elle affirme avec conviction. Ma réaction sur la mentalité actuelle de la jeunesse se situe au niveau de la faiblesse humaine dont elle parle. L’incapacité de ne voir les fautes que dans les autres est un signe d’immaturité. Je trouve que beaucoup de jeunes manquent de sincérité. L’exemple qui me vient à l’esprit est la tendance à se justifier à tout prix même quand on est fautif. Un tel manque d’humilité s’oppose à tout processus de formation. On n’est plus à sa place malgré la présence physique qui n’augmente que des bouches à nourrir. Dans ce cas, j’encourage plutôt les personnes qui préfèrent s’orienter autrement avant qu’on ne le leur demande. Cas rares.

Anonyme a dit…

Je viens appuyer la pensée de Francine même si Sonia ne l’accepte pas. Nous sommes témoins de nombreuses vocations par procuration. Ce que j’entends par procuration? Tout simplement des vocations recrutées en Afrique par commission pour l’Europe. On connaît le résultat néfaste de ce genre de pratiques. Puisqu’ils ont reçu l’argent d’autrui grâce auquel ils se font un haut standing, certains ministres de Dieu expédient des filles et des garçons en Europe soit disant qu’ils ont la vocation. Généralement ils choisissent leur entourage pour leur offrir une «chance». A l’heure actuelle, quel jeune refuserait un billet d’avion pour l’étranger même s’il n’a aucun désir de servir le Seigneur dans la vie consacrée! Une année lui suffira pour frayer son chemin. Tout cela est vérifiable, nous devons le reconnaître sans froid aux yeux. Donc, ayaas, les responsabilités sont partagées. Ceux et celles qui sont dans le besoin de personnel devraient aussi se donner la peine de vérifier les motivations de leurs candidats.

Anonyme a dit…

Grand merci pour ton site ayaas. J’en suis très contente, et je profite beaucoup de ton travail. Je partage le même avis que Francine et Odette. Ceux ou celles qui vont en occident, sans motivation profonde de la vie religieuse, pensent y trouver une vie plus facile. En arrivant, ils vivent durement ce qu’ils n’attendaient pas. Alors ils sont sans papiers et ils se mettent dans le rang des refugiés ou autres. Pour ceux ou celles qui sont dans les congrégations internationales ou autres, cela dépend de la personne elle-même et de sa congrégation, car il faut s’accepter et accepter aussi les exigences de la vie qu’on choisit. Malheureusement, il y a des congrégations qui manifestent le racisme ou le tribalisme dans nos pays et dans nos diocèses. Les congrégations autochtones n’en font pas exception.

Anonyme a dit…

Mes occupations de ces derniers temps ne m'ont pas permise de visiter ce blog, mais voilà que je viens de lire le nouveau thème lancé par Ayaas que je remercie de tout cœur. Les commentaires que je viens de lire sont vraiment pertinents mais moi je voudrais partir de ma propre expérience car je vis présentement en Europe et je peux dire que ce n'est pas facile. D'abord mes propres consœurs de communauté ont une vision très négative de l'Afrique (peut-être dû à ce que présentent les medias) et il a fallu vraiment une certaine dose de courage pour tenir bon et ne pas faire une marche arrière au début. Et comme l'a dit Germaine, c'est surtout dans la prière que j'ai trouvé la force nécessaire pour avancer chaque jour. Une africaine dans une communauté ici en Europe n'est souvent pas traitée comme les autres membres, on a très vite fait de te rappeler la pauvreté et la misère de ton pays. Moi je crois que avant qu'un jeune quelconque surtout religieux vienne en Europe, il doit avoir bien clair l'objectif qu'il poursuit, c’est-à-dire ce pourquoi sa congrégation a voulu l'envoyer en Europe et aussi être cohérent avec lui-même et le choix de vie qu'il a fait sinon on n'a très vite fait de se laisser séduire par le luxe et oublier l'essentiel. D'ailleurs moi je ne suis pas pour que les jeunes religieux africains soient formés en Europe, leur propre milieu est le lieu idéal pour leur formation comme consacrées et s'il y a besoin de compléter d'autres études c'est toujours préférable que ce soit toujours dans le même cadre, c'est vrai qu'en Europe il y a plus de possibilités d'études et de formation de tout genre mais il faut que le religieux(se) vive d'abord dans son propre milieu et fasse des expériences qui lui permettent de mûrir davantage sa vocation avant qu'on l’envoie en Europe. Le plus souvent c'est le manque de solidité et de conviction dans sa propre vocation qui fait qu'une fois en Europe, on se tourne très vite à la recherche du matériel, je ne nie pas aussi le contraire car il y a des personnes que l'on croyait vraiment très sûres d'elles-mêmes mais qui ont aussi dévié de leur chemin.
C’est vrai que dans une congrégation internationale on peut affecter quelqu’un qui vient juste de sortir du noviciat en Europe mais je crois que ce n’est pas l’idéal, il faut plutôt lui donner l’opportunité de vivre dans une communauté concrète dans son milieu et de toucher du doigt comme consacrée la réalité de son propre milieu avant de l’en arracher. Je crois que nous religieux et religieuses africains nous avons une grande responsabilité face à notre propre vocation, si nous ne la vivons pas avec foi, conviction et cohérence nous ne pouvons pas donner un témoignage crédible aux jeunes d’aujourd’hui comme l’a si bien soulignée Germaine.

Anonyme a dit…

Je n'ai pas lu tous les commentaires, peut-être que mon propos sera déplacé, mais soyez indulgents. La formation d'un/d'une africaine en milieu occidental a certains risques très réels si la personne n'assume pas l'identité humaine personnelle et en même temps l'identité religieuse. J'ai vu des jeunes gens grandis en milieu extrêmement pauvre, mais après un séjour occidental reviennent avec des propos et comportements tout à fait étonnants. Par exemple, parler avec un accent qui n'est plus original; refuser d'aller travailler en campagne; devenir très sélectif au sujet de la nourriture; mettre en doute la nécessité de la messe quotidienne ou de la prière prolongée; bouder quand une homélie semble être longue (plus de 10 minutes); aller a l'église en track suit ou training ou petite culotte... Tout ceci semble être extérieur à la vie spirituelle, mais cela montre un changement profond et négatif de la personne africaine qui n'a pas su intégrer les nouvelles valeurs dans la catégorie de l'essentiel... Il faut être mûr spirituellement, humainement et religieusement pour "survivre" la formation en milieu autre que celui auquel on trouve ses racines culturelles et religieuses.