mercredi, octobre 24, 2007

Candidats religieux séropositifs

(Article par Anna)

Amis et amies de ce blog, aidez-moi, s’il vous plaît, à répondre à mes multiples questions. La maladie du sida nous préoccupe parce qu’elle fait des ravages particulièrement en Afrique. Elle reste un sujet tabou pour la plupart des gens même si certains prétendent l’avoir démystifiée. En lisant attentivement les mises à jour de ayaas sur ses dernières activités en Afrique du Sud, je me suis arrêtée à ce paragraphe relatif au VIH/Sida:
«Mais certaines questions demeurent sans réponse. Faut-il encourager l'usage du condom afin de réduire la transmission du virus? Et que faire des candidats séropositifs qui désirent servir le Seigneur dans notre famille religieuse? Quelle est la politique de l'administration générale à ce sujet?»
Franchement, je me demande s’il est prudent d’admettre un candidat séropositif ou une candidate séropositive dans la vie religieuse. Il paraît que certaines congrégations ont l’habitude d’exiger l’accord des parents du candidat avant de l’admettre au couvent. Pensez-vous que les parents d’un séropositif refuseraient de permettre leur enfant d’aller au couvent où la congrégation aurait la facilité de le soigner? En cas d'acceptation, la communauté religieuse ne deviendrait-elle pas un lieu de refuge des séropositifs en quête de sécurité? La congrégation qui prendrait en charge de tels candidats ne risquerait-elle pas d’exposer ses membres à la contamination? Ne risquerait-elle pas de voir ses membres la quitter par peur d’être infecté? Merci d'avance pour vos commentaires sur l'une ou l'autre de ces questions qui m'habitent. (Anna)

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci Anna pour ce beau sujet que tu nous présentes dans ce blog. Les mises à jour d’Ayaas nous ont beaucoup instruits bien que nous ne soyons pas directement concernés. Et si cette rencontre de grande importance a touché ce sujet, c’est pour dire qu’il est vraiment d’actualité dans les différentes institutions.
Anna, je te soutiens lorsque tu stipules sur la prudence en admettant un(e) candidat(e) séropositif(ve) et je serais même assez catégorique que toi. On entre dans la vie religieuse pour répondre à un appel radical, celui de participer activement à la Mission de Dieu. Et lorsqu’on y entre déjà malade, comment pourrait-on être efficace dans cette Mission?
Je ne crois pas qu’il soit ici question de parents du candidat comme l’a dit Anna. Il est bien vrai que les parents du candidat ont un mot à dire concernant l’entrée de leur fils ou leur fille dans un institut religieux. Et dans ce cas précis, il peut arriver que certains aient l’opportunité de décliner leurs responsabilités concernant les soins qu’ils auraient à offrir à leur fils ou fille malade en le(la) précipitant dans une congrégation. A mon avis, c’est plutôt le candidat qui devra être honnête envers lui-même et envers l’institution qui pourrait l’accueillir.
Cependant l’argument d’Anna sur la contamination m’invite à réagir car ne me sentant pas à l’aise. Je ne suis pas du domaine médical, mais par des lectures et ce qu’on a appris à l’école la contamination de VIH/Sida se fait par les rapports sexuels (haut risque), par la voie sanguine (moindre risque) et par la mère à l’enfant. Quel risque veut-elle insinuer ici? Nous savons aussi que partager les lieux publics (toilette, douche, cuisine..), les objets matériels et même les piqûres des insectes ne constituent en aucun cas un risque de contamination. Il serait mieux de trouver des raisons valables qui puissent décourager des tels candidats que de s’attarder sur des faits secondaires. Voilà ma contribution!

Anonyme a dit…

Si cela revenait à moi seule de décider sur la demande d’admission d’une jeune fille séropositive, je dirais oui pour son adhésion à notre congrégation. Je crois que le critère principal pour être admis dans une congrégation est d´avoir une motivation claire de dédier sa vie exclusivement à Dieu. Pour découvrir cette motivation, il faut bien connaître les jeunes avant de les accepter. La connaissance préalable est une étape nécessaire dans le discernement des vocations. Si je constate qu’une jeune séropositive manifeste une telle motivation et qu’elle est consciente de sa situation, je dois l’accueillir et l´aider à assumer la réalité de son histoire, c’est-à-dire l’aider à vivre paisiblement avec son infection.
Je suis d´accord qu’une jeune fille séropositive soit admise au couvent. Elle sera la mieux placée pour aider les autres jeunes qui sont dans la même difficulté à assumer leur situation et à se libérer de leur frustration.
Mais dans ma congrégation et dans le contexte social de mon pays, une jeune séropositive ne peut pas aspirer à la vie religieuse. Les personnes séropositives sont mal vues: on les regarde avec peur, rejet et mépris. Elles sont exclues dès que les gens apprennent qu’elles portent en elles le virus du sida.

Anonyme a dit…

La personne consacrée est un imitateur du Christ qui accueille tout le monde sans distinction de race, de nation, d’état… N´est-ce pas le moment pour nous, Africains, de témoigner de ce Christ? A mon humble avis, le refus ou l’acceptation des personnes séropositives dépend des possibilités de chaque congrégation. Certaines pourraient les accepter dans la vie consacrée quand la maladie n’est pas encore déclenchée. D’autres pourraient les encourager à s’engager, par exemple, comme des laïcs ou laïques partageant le même charisme religieux, sans être obligés à vivre la vie communautaire.
Les personnes séropositives doivent être bien accueillies, et on doit leur expliquer les exigences apostoliques de la vie consacrée. C’est à cause de la fragilité de leur santé que je m’oppose à leur admission dans la vie religieuse. Même si c´est un signe du temps.

Anonyme a dit…

Pour accepter un candidat séropositif dans une congrégation, on doit tenir compte de quelques aspects. Le candidat sera-t-il heureux dans la communauté? Quel moyen la communauté peut-elle lui offrir pour sa croissance spirituelle et humaine? Le candidat sera-t-il en mesure de répondre aux exigences de la mission? En cas de réponse affirmative, la congrégation qui dirait oui à un tel candidat devrait assumer les conséquences de sa décision: dépenses, crises de la personne malade, limitation dans la mission. Elle devrait aussi être prêtre à accepter d’autres candidats qui se présenteraient dans la même situation. Je doute fort qu'une congrégation accepte de s’engager dans une telle voie. Mon avis est que le candidat séropositif ne soit pas admis dans la vie religieuse, pour son propre bien et celui de la congrégation.

Anonyme a dit…

Si vraiment le candidat séropositif va à la vie religieuse par besoin de sécurité personnelle, je préfère qu´il ne soit pas admis. Une congrégation totalement évangélique, qui suit les paroles du Christ à la lettre, pourrait accepter des candidats séropositifs. A condition que cela ne soit pas fait par compassion. Puisqu’il s’agit de la vocation religieuse ou d’un appel à vivre en communauté et à travailler pour l’expansion de la mission, ce qui demande beaucoup d´énergie et de mortification, la congrégation doit faire un bon discernement sans se laisser prendre par la fausse pitié.
Mon oui quant à l’éventuelle admission des candidates séropositives dans notre famille religieuse est conditionné par le changement d’attitude. Il faudra d’abord que la congrégation invite ses membres à considérer le sida comme n’importe quelle autre maladie. Sans cela, nous ne pouvons pas oser accueillir les candidates séropositives. Nous risquerions de les faire souffrir plus tard.

Anonyme a dit…

Adelaida nous rappelle ici que le critère principal pour être admis dans une congrégation est d’avoir une motivation claire de dédier sa vie exclusivement à Dieu. Moi, j’ajouterai ‘et aux âmes’. Car la fragilité de l’état de santé du candidat dont parle Claire dans son dernier paragraphe en dépend. Ladite fragilité pourrait être un obstacle à répondre d’une manière effective aux exigences apostoliques de la vie consacrée. Tu affirmes être d’accord qu’une jeune séropositive soit admise au couvent malgré l’insinuation à la fin de ton commentaire. Puisque c’est ta conviction à toi, je la respecte. Toutefois, je ne suis pas convaincue que cela soit un moyen pour aider les autres jeunes.
Quant à Claire qui nous invite à la charité consistant à accueillir tous sans exception, je dirai que même si l’état de santé ne constitue pas un obstacle à répondre à l’appel de Dieu, la vie religieuse a quand même ses exigences auxquelles le candidat sera confronté. L’authenticité de la réponse du candidat semble, à mon avis, d’une importance capitale. Voilà pourquoi j’ai dit que le candidat qui se présente doit être honnête envers lui-même, connaître les exigences de cette vie et ce à quoi il veut s’engager.
Les motivations ne sont jamais pures et ne le seront peut-être pas. Et surtout dans notre Afrique où les motivations sont souvent entremêlées et parfois difficiles à clarifier, je dirai: «à chaque congrégation son mode de discernement et ses conditions d’admission».

ayaas a dit…

Ouf! Quel sujet! Merci Anna pour l’attention avec laquelle tu as lu nos nouvelles de Joburg et pour le courage d’aborder ce sujet. Merci aussi aux intervenantes qui m’ont précédé dans ce débat combien délicat. J’avoue que nombreux sont ceux qui lisent vos partages avec attention et s’en inspirent. Espérons que d’autres participeront à cette discussion pour nous enrichir de leurs expériences pratiques.
Comme Anna l’a si bien noté, les questions que les Oblats d’Afrique se posent demeurent sans réponse. Un comité a été constitué dans l’espoir d’arriver à une politique d’ensemble. Dans l’élaboration, nous devrons faire une distinction entre une politique applicable aux confrères ou aux candidats oblats qui seraient séropositifs ou qui souffriraient du sida, et celle concernant notre ministère de lutte contre le VIH/Sida ou d’accompagnement des malades du sida.
En attendant les orientations futures, je me contente ici d’exprimer ma double crainte. La première est celle d’avoir une réaction émotionnelle en oubliant que chaque famille religieuse se conforme aux directives pastorales de l’église locale où elle est implantée. La seconde est celle de céder à la tentation de répondre à Anna en faisant abstraction du charisme spécifique de chaque congrégation. L’attitude face aux candidats séropositifs dépend plus du charisme de chaque institut que du contexte social dont parle Adelaida. Lola fait allusion à cela quand elle dit: «à chaque congrégation son mode de discernement et ses conditions d’admission». Il ne serait donc pas surprenant de voir une congrégation née pour le service des malades recruter des candidats séropositifs animés d’authentiques motivations religieuses. Cela ne signifie nullement que les autres n’en feraient pas autant car toutes les congrégations ont comme option préférentielle ‘les pauvres’ aux multiples visages.
Lola insiste sur la vie religieuse comme une réponse «à un appel radical» en mettant en évidence la participation active à la mission. Tout dépend de ce qu’elle entend par mission et par participation active. Insinue-t-elle que les malades ne sont pas capables de prier et d’annoncer le Règne? Que fait-elle alors de l’option préférentielle pour les pauvres? Ils sont nombreux dans les communautés religieuses.

Anonyme a dit…

Je vous remercie pour vos commentaires. Je suis agréablement surprise de votre gentillesse et de la qualité de vos réponses. Plus je vous lis plus je comprends qu’il s’agit d’une réalité complexe, et je prends conscience de mon ignorance. Merci à Lola pour sa clarification. Je ne suis pas totalement satisfaite mais c’est déjà beaucoup ce que j’ai appris jusqu’à maintenant. Chaque soir je passe par ici, je lis et j’imprime les commentaires pour ma communauté. Alors ça parle… C’est vraiment un sujet d’actualité pour nous.
Je m’excuse d’avoir donné l’impression de mépriser les malades; chaque être humain mérite la dignité et le respect. Nous parlons souvent de pauvres pour qui nous travaillons mais quand arrive le moment de s’en occuper plus concrètement, on voit apparaître les résistances. Cela pourrait-il signifier que nous devons purifier les motivations de notre propre vocation? C’est facile de m’opposer à l’admission d’une candidate séropositive chez nous. Le défi sera, on ne sait jamais, de vivre dans la même communauté qu’une consœur qui deviendrait séropositive, comme je le fais avec d’autres malades sans trop me poser des questions.
Ayaas, merci pour ta mise au point. C’est vrai, je ne dois pas m’attendre à une seule et même façon de répondre à ma préoccupation. Qu’en pensent les autres? J’ai hâte de revenir ici pour en savoir un peu plus.

Anonyme a dit…

Merci Ayaas pour la précision concernant la position de ta congrégation sur cette question épineuse. Et je crois bien, si une assemblée comme celle-là n’est pas arrivée à se prononcer sur une pareille question, tu conviendras avec moi que ce sujet est bel et bien délicat. Le ministère d'accompagnement des malades de sida et le recrutement des candidats séropositifs sont pour moi deux réalités diamétralement opposées, même si on s’évertue dans ce blog à être prêt à accueillir de tels candidats. Nous pouvons rêver qu’une congrégation serait née dans ce troisième millénaire pour ne recruter que des candidats séropositifs afin de rendre palpable l'option préférentielle pour les pauvres. C’est d'ailleurs une bonne chose car le service aux pauvres aux multiples visages est précisément un acte d’évangélisation et c’est cela qu’a fait Jésus sa vie durant. Toutefois, cette participation à la mission serait, à mon avis, limitée dans le sens que toute préoccupation pourrait être focalisée sur les membres ‘malades’ internes au lieu de franchir les barrières, afin d’atteindre d’autres. Voilà la raison de cette mise en évidence de la participation active à la mission.
Je sais pertinemment que la mission, avant de se caractériser par les œuvres apostoliques, consiste à un témoignage personnel par une vie totalement donnée à Dieu et aux frères et sœurs. Mais cela devra s’étendre au-delà. Plus on vit le Christ, mieux on le sert dans les autres. Cependant cette conviction qui est la mienne ne m’empêcherait pas d’affirmer avec Ayaas que les malades, malgré leur fragilité, sont capables de prier et d’annoncer le Règne. Annoncer le Règne est un devoir de tout chrétien.

Anonyme a dit…

Cela fait longtemps que je n'ai pas visité le blog d'Ayaas. Je suis content que les échanges continuent. Pour cela félicitation à Ayaas.
J'avoue que ce sujet m'a un peu pris de court. Et d'amblée, je n'avais pas de réponse à la préoccupation de Anna. Mais en y réfléchissant, je me suis rendu compte de deux choses:
1. Y a-t-il une raison qui fait qu'on puisse réserver aux candidats séropositifs un traitement spécial sachant que dans plusieurs congrégations, avant d'entrer, on fait passer aux candidats plusieurs tests médicaux. A quoi servent ces tests? Ne peut-on pas ajouter à la liste de ces tests celui du VIH (même si certaines congrégations le font déjà)? Dans ce cas, le problème ne se pose pas. Je fais référence ici à la manière dont les congrégations traitent les autres maladies.
Dans le cas où, considérant le VIH comme un cas exceptionnel, et donc qui mériterait un traitement spécial, il y a lieu de s'interroger sérieusement sur la question que Anna pose. Et il faudra avoir en tête la manière dont ces personnes sont vues et considérées dans nos sociétés et nos propres communautés.
2. La deuxième chose qui m'est venue à l'esprit est celle-ci: je sais que, par exemple, les sœurs missionnaires de la charité ont une branche spéciale constituée de personnes malades et dont la mission est d'offrir leurs souffrances à Dieu et de prier pour la mission de l'Eglise. Mais je ne sais pas si ces malades sont admises déjà malades ou pas. Ce serait une façon de voir pour trouver une solution.
Mais le sujet me parait important dans ce sens que le VIH nous interpelle à revoir les réponses classiques que nous donnons à certaines questions liées à notre identité, mission, charisme et service. Billy