lundi, juillet 02, 2007

Jumeaux enfants du malheur




(Article par Lola - Photo Club ayaas)
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Un fait de société qui m’a souvent interpellée par le passé et qui reste jusqu’à ce jour une préoccupation pour moi est celui des enfants jumeaux considérés, dans certaines cultures africaines, comme «enfants du malheur»! Voici un récit émouvant d’une femme désemparée qui cherche à protéger ses deux garçons jumeaux parce que la société dans laquelle ils sont nés ne les accepte pas.

Femme originaire de l’Afrique de l’Ouest, mère de cinq enfants, divorcée de son mari, elle s’est trouvée enceinte de ses deux jumeaux et de ce petit qu’elle tient dans ses bras. Cette Dame paraît en grave difficulté avec ses enfants les plus jeunes et surtout avec ses deux garçons qui sont comme des «démons» aux yeux de l’école. Tous veulent qu’elle supprime un ou les deux afin de retrouver la paix. Et pourquoi ? Parce que les jumeaux ne sont pas comme les autres enfants. En effet, la signification attribuée à la gémellité en Afrique subsaharienne est très ambivalente et variable, et cela d’une société à l’autre.

Authentique fille de l’Afrique centrale, j’ai eu la chance de visiter d’autres pays que le mien et je dois avouer que je garde en moi un constat amer sur le traitement infligé aux enfants jumeaux communément appelés «enfants du malheur» ou «enfants mystérieux». Dans beaucoup de cultures, en effet, on dit que «les jumeaux ont une certaine puissance, ils peuvent se communiquer à distance, ils peuvent sentir des choses, ils ont du pouvoir bénéfique ou maléfique» et que sais-je encore. C’est pour cela qu’on leur donne des noms spécifiques.

Je me souviens bien que par le passé, dans ma culture, il fallait accomplir certains rites à la naissance des jumeaux pour ne pas les mécontenter: danser tôt le matin ainsi que dans la soirée en leur honneur, leur offrir les offrandes lorsqu’on leur rend visite, les habiller de la même façon afin d’éviter la jalousie entre eux, etc. Paradoxalement, chez certains autres peuples que j’ai visités, les jumeaux sont automatiquement supprimés dès la naissance ou jetés dans la rue; malheur aux parents qui oseraient les garder en famille. Quelle situation malheureuse!

Sans vouloir revenir sur la croyance ancestrale, thème d’actualité débattu sur ce blog, j’aimerais qu’il y ait un échange d’idées afin d’apporter quelque éclaircissement sur cette intrigue qu’est le phénomène d’enfants jumeaux. A ce qu’il me semble, tout être humain, qu’il soit adulte, jumeau ou enfant selon la norme comme se plaisent à dire certaines sociétés, a droit à l’amour, au respect, à la dignité et à la vie. Pourquoi un tel traitement infligé aux innocents qui ne sont pas venus au monde par eux-mêmes? Ne sont-ils pas comme tous les autres enfants? Autant de questions que je me pose. (Lola)






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6 commentaires:

Anonyme a dit…

J’ai eu peur en lisant cet article de Lola qui m’apprend des choses étranges. Pourquoi les jumeaux, ces êtres sacrés, sont-ils appelés enfants du malheur? Il vaut la peine d’expliquer un peu plus et de dire s’il y a vraiment des peuples qui rejettent les jumeaux dès leur naissance. Quelques exemples pourront satisfaire ma curiosité. Dans ma culture les jumeaux sont une bénédiction, un grand avantage pour la famille, elle augmente très rapidement. Beaucoup souhaitent les avoir mais ce n’est pas donné à tous. Très peu de familles ont des jumeaux. Je reconnais cependant qu’ils ne viennent pas au monde comme les autres enfants. Ma grande sœur en a eu à trois reprises et depuis, sa vie a changé parce qu’entourée d’interdits. Ma société ne les refuse pas mais les considère comme des enfants capricieux au traitement particulier. Et je n’accepte pas certains rites qui accompagnent la croissance de ces enfants. Par exemple, le jour où les bébés sont présentés au village, dans la danse et les offrandes, les deux parents exposent leur nudité à un certain moment de la cérémonie pour montrer qu’ils sont réellement parents de ces êtres mystérieux que tous regardent avec curiosité, ils sont homme et femme comme les autres du village, rien de spécial en eux. Ils en sont fiers mais je pense que cela a de l’impact négatif sur les enfants qui assistent au spectacle.

Anonyme a dit…

Je n’ai jamais souhaité avoir des jumeaux parce que c’est anormal. Dès qu’une femme met au monde des jumeaux, elle devient objet de curiosité, d’autres se demandent même si la femme ne couche pas avec des sorciers ou le démon. Je n’ai que deux enfants, ma plus grande peur quand je suis grosse c’est quand je pense à la possibilité d’avoir des enfants jumeaux. Je me demande si je pourrai les accepter et vivre avec car je préfère avoir un enfant normal. La science à beau expliquer comment on arrive à les avoir mais l’explication est différente dans la culture de mes parents. Il y a toujours l’intervention d’une autre force cachée. Une amie me racontait que le jour du mariage d’une jumelle, il fallait absolument que le mari partage le lit avec les deux jumelles pour ne pas attrister une, ce qui serait un mauvais sort pour le foyer! Ce n’est pas normal, ce sont des enfants sorciers.

Anonyme a dit…

Un problème technique m’a empêchée l’accès au net, raison pour laquelle je n’ai pas pu réagir à temps aux préoccupations de Salif. Permets que je te dise d’abord merci pour ton intervention qui rejoint pratiquement la mienne. Oui, je peux comprendre ta désolation par rapport au traitement qu’on inflige aux enfants jumeaux contrairement à ce qui se passe dans ta culture.
Je comprends aussi ton souci d’avoir quelques exemples qui pourraient te situer dans ce débat. Oui, cette situation malheureuse ne te laisse pas indifférent, bien au contraire elle semble inconcevable à ton entendement. Salif, si tu as bien lu le sujet présenté, je crois avoir cité le cas de cette femme de l’Afrique de l’Ouest. Mais comme tu le demandes je pourrais bien avancer d’autres cas. Il y a les Ibos du Nigeria qui croiraient que les jumeaux sont des ancêtres en service commandé chez les vivants; ils diraient même qu’ils possèdent une puissance maléfique voire despotique le long de leur existence ici-bas, raison pour laquelle ils les élimineraient dès leur naissance, les renverraient illico presto chez leurs expéditeurs, les ancêtres. Autrefois, chez les Luba du Kasaï en RDC, les jumeaux subissaient le même sort; ils étaient soit rejetés soit abandonnés à eux-mêmes parce que, selon la tradition, ils étaient porteurs de malheur dans la famille.
Comme dit précédemment, la gémellité est vue différemment dans nos cultures africaines. Traditionnellement dans ma culture les jumeaux étaient considérés et peut-être les seraient-ils encore en ce jour, selon la légende, comme des enfants spéciaux qui communiqueraient avec les ancêtres et qui parfois pourraient décider de mourir s’ils étaient mécontents. Mais est-ce une raison de les rejeter, de les abandonner? Ne serait-ce pas là une fuite de responsabilité? Car il est démontré biologiquement que les jumeaux sont issus d’une simple division de l’œuf lors de la fécondation d’un ovule. Et comme je l’ai dit et je l’affirme une fois de plus, tout être humain, qu’il soit jumeau, adulte ou enfant a droit à la vie.

Anonyme a dit…

A Ange! En te lisant, tu me donnes l'impression d'une personne qui ne sait pas peser ses mots. Oui, je rendrai grâce à Dieu s'il ne te donne pas les jumeaux, dans ton raisonnement, il y a des traces de sorcellerie. Qu'est-ce que tu appelles enfant normal? Tu n'as jamais vu un enfant venir seul au monde en étant anormal? Je suis jumelle et mes parents m'aiment bien. Mon jumeau et moi nous nous aimons beaucoup. Et nous vivons en parfaite liberté. Je respecte ses convictions, il respecte les miennes. Notre naissance a été pour mes parents une chance. Mon père avait du mal à trouver du travail; dès que nous sommes nés, il a commencé à travaillé. Il a été nommé chef d'une entreprise. Jusqu'aujourd'hui il est là. Il dit toujours que c'est nous qui lui avons donné cette chance.

ayaas a dit…

C’est un sujet délicat. Hier, après hésitations, j’ai partagé le contenu de cet article de Lola avec une religieuse jumelle (Nzuzi). Sa jumelle (Nsimba) est mère de 5 enfants. La famille compte en son sein plusieurs enfants jumeaux et jumelles. En effet, sur 5 accouchements, la maman de Nzuzi a donné au monde 8 enfants dont 6 jumeaux! A son tour une des jumelles vient de donner d’autres jumeaux! «Nous sommes vraiment une famille bénie, me confie la sœur. Mon père n’a jamais accepté que nous soyons différents d’autres enfants. Voilà pourquoi nos jumeaux ne portent pas d’habit uniforme et ne sont pas soumis à des rites particuliers. Je suis indépendante de ma jumelle et elle ne se sent pas conditionnée psychologiquement par moi ou mon choix de vie. Ce qui nous caractérise, c’est la fidélité à nos engagements. Les gens nous approchent facilement, il n’y a aucun sentiment de rejet ou d’étonnement à notre sujet. Je suis vraiment choquée par ce que raconte Lola, etc.» Elle a ajouté qu’elle en parlera avec ses parents pour voir leur réaction.
Personnellement, je connais beaucoup d’enfants jumeaux dans ma société. Ils sont capricieux, en général, parce que choyés par leurs parents. Il paraît qu’ils méritent une attention particulière en vertu de leur naissance ‘mystérieuse’.
En surfant sur le net, j’ai appris quelque chose qui pourrait compléter la réponse de Lola à Salif. «Chez les Dogons, peuple du centre du Mali et du nord du Burkina, la gémellité est fortement valorisée. Chez les Evé du Togo, les jumeaux sont le résultat d'une attention toute particulière des ancêtres qui ont remarqué et extraordinairement favorisé le couple de géniteurs. Médiatrice entre humain et divin, la naissance de jumeaux constitue une irruption de l'autre monde et tranche sur la continuité habituelle. En Afrique occidentale, les naissances gémellaires apportent la chance et elles sont la fierté des mères et des familles. On fête leur naissance et les jumeaux, ainsi que leurs parents sont vénérés. Par ailleurs, on attribue aux jumeaux des pouvoirs bénéfiques ou maléfiques, mais dans la plupart des pensées, les deux coexistent. Au contraire, chez les Bantous, peuple d'Afrique centrale, les naissances gémellaires appartiennent au monde animal et sont considérées avec aversion. On retrouve en Casamance (Sénégal) et au Dahomey l'idée qu'il faut rejeter au moins un des jumeaux, car leur naissance ravale l'homme au niveau de l'animal qui seul a des portées collectives. Autrement dit, les jumeaux sont accueillis dans l'angoisse et la terreur.»

Anonyme a dit…

Je suis contente de lire dans ces commentaires des expériences vécues voire personnelles, et je peux dire que j’en suis édifiée.

Les exemples évoqués par Ayaas viennent confirmer l’ambivalence de la gémellité en Afrique subsaharienne. Nous nous trouvons ici devant des cas différents dans le traitement infligé aux jumeaux.

En présentant ce sujet, j’ai évoqué le cas de cette femme de l’Afrique de l’Ouest qui devrait protéger ses jumeaux et voilà qu’Ayaas nous présente d'autres cas dans cette même Afrique occidentale où les naissances gémellaires font plutot la fierté des parents voire de la famille.

Dès le début, je me suis abstenu de citer le cas de ma cousine, mère de cinq enfants, tous jumeaux, issus de trois accouchements dont l’un est malheureusement décédé à la naissance. et pourquoi cette hésitation au départ ? Parce que ces enfants jumeaux de ma cousine sont tous nés dans la ville et aucun rite n’a été effectué en leur faveur comme c’était la coutume au village. Est-ce le fait qu'ils soient nés en ville qu'ils ne sont ni abandonnés ni rejetés ? Je dirai non. Parce meme au village tous les rites qui accompagnent la naissance des jumeaux n'ont plus d'effet comme autrefois. Ces enfants ont grandi normalement comme tous les autres enfants du voisinage. En ce moment, les premiers jumeaux (garçon et fille) sont à l’université et ne bénéficient d’aucun privilège de leurs parents.

Loin de prétendre abolir certaines traditions et croyances, il me semble que notre Afrique et spécialement subsaharienne a besoin de purifier certaines de ses traditions parce qu'il est hors de ma conception de rejeter un ou des enfants parce qu’ils sont jumeaux.

Je serai contente voire curieuse d'entendre les réactions des parents de la religieuse Nzuzi.